Théories et pratique des jeux expressifs

Sébastien Genvo

Cet article est la version française d’un chapitre publié en espagnol dans l’ouvrage La vida en juego (mis en ligne avec l’accord de l’éditeur), dont la référence est la suivante :

Genvo S. (2021), « Teorías y práctica de los juegos expresivos » in : A.C. Moreno, A. Venegas (Eds.), La vida en juego. La realidad a través de lo lúdico. AnaitGames, Madrid, pp. 9-47. « Théories et pratique des jeux expressifs », disponible en ligne : http://www.expressivegame.com

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La formalisation du concept de jeu expressif, que j’ai commencé à élaborer en 2011, provient à l’origine d’un constat partagé par plusieurs chercheurs et game designers au cours des années 2000. Dans l’histoire des jeux vidéo, certaines thématiques ont été surreprésentées (science-fiction, médiéval fantastique, sport, guerre, mythes nordiques ou asiatiques, etc.), ce qui a été de pair avec la présence majoritaire de certaines émotions : angoisse, peur, colère. C’est notamment ce que montrent Kline, Dyer Witheford et De Peuter lorsqu’ils mettent en évidence dans leur livre Digital Play que pour des raisons marketings, technologiques et culturelles des thématiques de « masculinités militarisées » se sont imposées de façon dominante dans le contenu des productions de cette industrie. Cette notion renvoie selon eux à une interrelation d’ingrédients qui constituent « un réseau sémiotique partagé tournant autour de sujets de guerre, de conquête et de combat »[1].  Il s’agirait d’un modèle dominant éprouvé dans le cas du marché vidéoludique, bien que celui-ci fasse très souvent débat dans l’espace public et limite l’ouverture à d’autres types d’audience. Cette réflexion est également émise par Gonzalo Frasca dans le tout premier numéro de la revue Gamestudies.org dans un article portant sur The Sims[2]. Il y formule le souhait d’ouverture des jeux vidéo à des réalités davantage en phase avec la vie quotidienne : « The Sims is a landmark in videogame history because it has opened a Pandora’s box by replacing the usual troll and sci-fi monster with plain humans »[3].

L’intérêt des travaux de Gonzalo Frasca est qu’il envisagea des solutions, en considérant justement que les jeux vidéo peuvent être employés comme un média permettant la stimulation d’une pensée critique à propos de problèmes personnels et sociaux. Dans ses travaux menés au tout début des années 2000, Gonzalo Frasca propose de s’inspirer des techniques dramatiques du théâtre de l’opprimé, mises en place par Augusto Boal, pour concevoir des jeux incitant au débat parmi les joueurs. Pour résumer très brièvement, le théâtre de l’opprimé met en scène une situation d’oppression durant laquelle tout spectateur peut choisir d’intervenir pour remplacer un protagoniste et proposer sa propre solution au problème. Il s’agit alors de montrer comment la « philosophie » du théâtre de l’opprimé pourrait être appliquée aux jeux vidéo de façon à augmenter son potentiel pour éveiller les « consciences ». Selon lui, cela pourrait favoriser des logiques d’empathie à partir de la manipulation de règles et de choix. Pour illustrer ses théories, il développa d’ailleurs September 12th[4], qui exprime, à partir des règles du jeu, un message contre les logiques interventionnistes américaines suite aux évènements du 11 septembre 2001. Gonzalo Frasca constatait cependant à cette époque que les logiques économiques de l’industrie du jeu vidéo n’étaient que peu favorables au développement de ce genre de jeux atypiques.

Ces constats sont tout de même à nuancer : il existe, certes à la marge, dans l’histoire du jeu vidéo des contenus qui proposent des thématiques alternatives. On peut prendre l’exemple des productions françaises dans les années 80 dont certaines visaient un marché local et/ou mobilisaient des références culturelles relatives à l’actualité de cette période, voire à l’histoire de France. Cela a permis de donner une identité singulière à de nombreux jeux[5] qui comportaient une dimension de critique sociale et politique, tout en étant directement ancré dans le quotidien français. Même les pommes de terre ont des yeux[6], publié par Froggy Software en 1985 est par exemple une satire de la dictature de Pinochet. Le jeu Freedom[7], édité en 1988, aborde l’histoire de l’esclavage en Martinique en nous mettant dans la peau d’un esclave qui cherche à s’échapper des plantations. Développé par Muriel Tramis, le jeu a été co-écrit par Patrick Chamoiseau, romancier, théoricien de la créolisation et futur prix Goncourt, créant alors à cette époque un pont atypique entre culture vidéoludique et culture littéraire. On peut aussi noter qu’avec la massification d’Internet au cours des années 2000, plusieurs modèles de développement et de distribution alternatifs au modèle dominant ont émergé, que ce soit en termes de conception, de production ou de distribution, comme en témoigne en partie la scène du jeu indépendant qui a montré une certaine voie pour répondre aux interrogations initiales de Gonzalo Frasca. Au cours de cette décennie, on peut notamment mentionner un jeu comme Passage[8] de Jason Rohrer qui propose au joueur de s’interroger en à peine quelques minutes sur le sens de notre passage dans la vie tout en étant poignant.

Dans le cadre de ces réflexions, j’avais donc proposé au début des années 2010 le terme de jeu expressif pour qualifier les jeux qui proposent de se mettre à la place d’autrui pour explorer des problématiques sociales, culturelles, psychologiques, etc. tout en permettant de faire l’expérience des dilemmes, choix et conséquences qui découlent de ces situations. Il s’agissait en premier lieu de trouver une notion pouvant servir de cadre analytique pour penser l’émergence de ce genre de jeu dans l’histoire des jeux vidéo. Mais il faut noter que mener une étude sur le potentiel expressif des jeux vidéo répond à de nombreux enjeux, tant en termes de recherche fondamentale que de création. C’est dans cette double perspective que j’ai exploré le concept depuis 2010, à la fois en formalisant et approfondissant son cadre théorique jusqu’à aujourd’hui, mais aussi en développant deux jeux qui lui donnent corps, Keys of a gamespace (KOAG) en 2011[9], qui aborde la thématique de l’atteinte à l’enfance et de la mémoire, et Lie in my heart (LIMH) en 2019[10], qui aborde de façon autobiographique les thèmes du suicide, de la maladie mentale, du rapport de l’enfance au décès et de la résilience. Comme l’indique Serge Bouchardon[11], chercheur et concepteur, la capacité d’appréhender ensemble recherche et pratique d’auteur permet de concevoir et de réaliser des objets expérimentaux, afin de tester certains concepts. Le concept de jeux expressifs impose à ce titre plusieurs questionnements, tant sur le plan créatif que scientifique : comment faire considérer ces productions comme des « jeux » alors qu’elles vont à l’encontre des attentes habituelles liées aux jeux vidéo du fait de leurs sujets sensibles ? Le jeu, notamment dans l’industrie vidéoludique, est en effet davantage synonyme de « fun » et de divertissement dans nos sociétés contemporaines. Comment impliquer émotionnellement le joueur tout en l’amenant à s’interroger sur les contenus sensibles développés dans ces jeux ? Et quelle serait la part d’expressivité du joueur et de l’œuvre dans l’expérience ? De la même façon, quelles seraient les caractéristiques du jeu vidéo comme forme d’expression pour aborder ces thématiques ? Pour répondre à ces questions, je reviendrai dans un premier temps sur le cadre théorique d’ensemble qui soutient le concept de jeu expressif puis j’aborderai le développement et la réception de chacun des deux jeux que j’ai développés, en soulignant ce que chacun a pu apporter à la réflexion.

Penser l’expressivité des jeux vidéo au-delà de la rhétorique procédurale

Au début des années 2010, au moment de formaliser le concept de jeu expressif, l’une des principales références portant directement sur la question de l’expressivité des jeux vidéo était l’ouvrage Persuasive Games: The expressive power of videogames de Ian Bogost[12]. Dans la même lignée que Frasca, avec qui il a collaboré sur plusieurs projets[13], Bogost avance que pour que les jeux vidéo comptent en tant qu’artefacts expressifs, il est nécessaire de comprendre de quelle façon ils peuvent être conçus pour soutenir des thèses sur le fonctionnement de notre monde.

Bogost part du constat que les jeux vidéo sont un moyen d’expression qui représentent la façon dont des systèmes réels et imaginaires fonctionnent. Ceux-ci invitent dès lors le joueur à interagir avec ces systèmes et à former des jugements à leurs propos. Cherchant à comprendre les spécificités expressives des jeux vidéo par rapport à d’autres médias dans la façon dont ils forment des arguments et influencent le joueur, Bogost avance alors que ceux-ci mettent en forme une nouvelle forme de rhétorique, qu’il nomme rhétorique procédurale. Afin d’établir la définition de cette notion, Bogost revient sur l’évolution du terme de rhétorique et établit deux formes d’acceptions dominantes. Il discerne tout d’abord un « modèle classique » permettant de définir cette notion comme art de la persuasion. Cependant, il ajoute que selon un « modèle contemporain », la rhétorique est à comprendre comme l’ensemble des moyens permettant de souligner des idées et de les rendre attrayantes, le succès d’une bonne rhétorique signifiant dans ce cadre une expression effective et non pas nécessairement une influence effective.

Selon cet auteur, cette diversification des vocations de la rhétorique incite à prendre en considération de quelle façon les logiciels, et plus particulièrement les jeux vidéo, peuvent eux-aussi développer une rhétorique singulière, fondée sur le procéduralité. La procéduralité serait à comprendre comme une capacité à exécuter une série de règles, les systèmes procéduraux générant des représentations à partir de modèles fondés sur des règles. Ce point de vu développé par Ian Bogost rejoint notamment celui de Frasca, pour qui les jeux vidéo sont à comprendre comme des formes de simulation[14]. Si Bogost souligne que la procéduralité n’est pas uniquement l’apanage des systèmes informatiques (on la retrouve dans les tribunaux, dans la bureaucratie, etc.), elle distingue néanmoins les ordinateurs d’autres médias, car ceux-ci en font un usage intensif. Dès lors, les jeux vidéo seraient un objet d’étude privilégié pour comprendre cette rhétorique particulière car, selon Bogost, de tous les artefacts informatiques, ils font partie de ceux qui mobilisent le nombre le plus important de procédures pour fonctionner. De plus, à l’opposé de « logiciels à visée productive » (comme Microsoft Word par exemple), l’attention de l’utilisateur est portée sur la visée expressive des règles et des représentations qu’elles génèrent. Pour Bogost, si l’on retient la définition élaborée par le modèle classique, la rhétorique procédurale est comprise comme la pratique consistant à employer des procédures de façon persuasive. Selon une acception plus contemporaine du terme de rhétorique, elle peut être comprise comme l’art de souligner et d’exprimer des idées par des procédures, il s’agit de créer un « espace désirable possible d’interprétation ».

Il est important de souligner que l’intérêt de Bogost pour les jeux vidéo en tant que forme de rhétorique procédurale est avant tout orienté vers la façon dont ceux-ci peuvent persuader autrui de points de vue ou d’arguments sur le fonctionnement de notre « monde matériel ». Bogost reconnaît que tous les jeux ont d’une certaine façon une visée persuasive en ce qu’ils incitent les joueurs à continuer de jouer. Le modèle économique des jeux sur borne d’arcade par exemple implique de réussir à persuader le joueur de continuer à jouer, même s’il perd, pour l’inciter à mettre davantage de pièces dans le monnayeur. Mais ce n’est pas ce genre de persuasion « auto-référentielle » qui intéresse Bogost. Il s’agit à l’inverse de mener une réflexion permettant de conduire le joueur du monde du jeu vers le monde matériel. Pour Bogost, il est nécessaire d’étudier la rhétorique procédurale pour pouvoir mieux analyser, critiquer, voire concevoir des « jeux persuasifs », qui sont dès lors des types particuliers de jeux vidéo, qui cherchent à faire adhérer l’utilisateur au contenu d’un discours élaboré à partir de procédures. Il serait ainsi possible d’avancer que la définition qu’il retient de la notion de rhétorique se rapproche davantage de ce qu’il désigne comme étant l’acception « classique » du terme.

L’ensemble de ces réflexions montre toutefois que l’exploration du potentiel expressif des jeux vidéo ne saurait uniquement être abordée à travers des enjeux de persuasion. C’est en partie ce que laissait entrevoir les premiers travaux de Frasca, qui montrait qu’il est possible d’envisager que le jeu vidéo fasse partager une expérience de vie problématique, sans forcément souhaiter convaincre d’une solution préétablie. À ce titre, pour reprendre les définitions établies par Bogost, mon approche de la rhétorique pour définir les jeux « expressifs » cherche à comprendre quels sont les processus qui instaurent l’arrangement effectif d’une œuvre pour créer un espace désirable possible d’interprétation pour le joueur. Cela implique de comprendre avant tout les modalités de réalisation de cette persuasion « auto-référentielle » dont parle Bogost. Comme nous le verrons, cette rhétorique n’est pas pour autant dénuée de valeurs et de visions de monde, qui peuvent justement remettre en cause la perception de la dimension ludique du logiciel. Mais nous verrons que la reconnaissance de la dimension ludique d’un objet n’incite pas nécessairement l’adhésion aux valeurs établies, en ce qu’un jeu offre précisément un espace de jouabilité. Comprendre ce que serait un jeu vidéo « expressif » (et non seulement « persuasif ») – qui exprimerait au joueur une problématique sociale, psychologique, etc. et qui lui permettrait conjointement de s’exprimer sur celle-ci – nécessite de prendre en compte que l’expressivité provient à la fois des procédures induites par la structure du jeu mais aussi des actions menées par le joueur. C’est une critique qui a déjà été émise à l’encontre de l’approche de Bogost, celle-ci oublierait la part du joueur dans le processus[15]. Selon Sicart, le message transmis par un jeu doit être vu comme une conversation entre le jeu et les joueurs, qui ont leurs propres croyances et valeurs. Cela vaut aussi selon moi par rapport à la perception de ce qui est ou non un jeu, chaque joueur a sa propre idée de ce qu’est le jeu, en fonction de son contexte culturel, de son itinéraire biographique de joueur, de ses compétences de jeu.

Dans ce cadre, une réflexion sur les spécificités expressives du jeu vidéo doit prendre en considération ce qui constitue sa dimension ludique, ce qui est paradoxalement souvent oublié dans les recherches sur le sujet. La procéduralité et la simulation font partie du jeu vidéo, mais toutes procédures et toutes simulations ne sont pas pour autant considérées comme des jeux. En quoi, parce qu’il est interprété, actualisé comme un jeu, le jeu sur support numérique donne lieu à une expression spécifique ?

Définir le jeu expressif à travers le concept de médiation ludique

Si l’on se réfère au pédo-psychiatre D.W. Winnicott, lorsque l’individu joue, il entre dans une « aire intermédiaire d’expérience », qui se situe entre la fiction et la réalité : « Cette aire où l’on joue n’est pas la réalité psychique interne. Elle est en dehors de l’individu, mais elle n’appartient pas non plus au monde extérieur »[16]. Si le joueur d’échecs s’applique à déplacer minutieusement chacune de ses pièces en envisageant le poids que chacune de ses décisions prendra dans la suite du jeu, son geste ne saurait par exemple se résumer à cette seule action pour qu’il puisse effectivement y avoir jeu. Comme le disent les amateurs de jeu d’échecs, il ne s’agit pas uniquement de « pousser du bois ». Pour entrer véritablement dans le jeu, le joueur doit « faire comme si » le plateau et les pièces qui se présentent à lui ne se résumaient pas uniquement à ce qu’ils sont, mais sans prendre pour autant le « simulacre » pour la réalité ; il doit entrer dans un univers de sens singulier. Il va transposer les choses du monde où il vit dans un ordre nouveau, régi à la fois par des règles de la vie courante et par des règles spécifiques qui n’y ont pas habituellement cours. Mais le joueur ne va pas non plus totalement s’abstraire de la « réalité ordinaire », en ceci jouer ce n’est pas rêver[17].

Dès lors, tout logiciel, afin d’être reconnu et actualisé comme jeu, doit procéder à ce que j’appelle une médiation ludique, afin d’inciter l’individu à adopter une attitude de jeu (play en anglais) et à entrer dans cette aire intermédiaire d’expérience. Comme le montre le philosophe du jeu Jacques Henriot[18], aucun objet conçu pour le jeu n’est en lui-même ludique. Un logiciel peut être employé comme objet de jeu tandis qu’un jeu vidéo peut très bien être utilisé dans pour un entraînement militaire. Ainsi, les systèmes numériques à vocation de jeu doivent convaincre leur destinataire de leur dimension ludique en répondant à certaines représentations (sociales, culturelles) de l’activité, l’idée de ce qu’est un jeu pouvant varier selon le parcours biographique des individus, leur contexte, leur époque, etc. Comme le montre Bateson[19], un jeu comporte une dimension fondamentalement communicationnelle. Il est nécessaire de décrire de quelle façon les objets qui revendiquent être des jeux peuvent s’inscrire à certains égards dans des dimensions que l’on confère usuellement à l’activité pour signifier que « ceci est un jeu », selon l’expression de Bateson. Cela n’exclut pas la possibilité de trouver dans ces mêmes objets d’autres caractéristiques qui vont à l’encontre des canons établis du jeu, pouvant aussi inciter le joueur à se poser la question « est-ce un jeu ? ». Selon moi, ce dernier aspect peut en effet amener le terme de jeu à évoluer et à s’appliquer à des réalités nouvelles si l’objet atypique est finalement reconnu comme appartenant à la sphère du jeu, le jeu étant un processus qui contient toujours le potentiel de générer de nouvelles pratiques et significations[20].

Puisqu’il est envisageable, comme le montre Bogost, de tisser des liens entre rhétorique et jeu vidéo, nous pouvons considérer que les attributs qui ont pour vocation de faire œuvre de médiation ludique constituent ce que j’appelle l’ethos ludique de l’œuvre. Le concept d’ethos, issu de la rhétorique classique, désignait les traits de caractère que l’orateur devait montrer à l’auditoire pour donner de l’autorité à ce qu’il disait et garantir son discours. Jean-Jacques Boutaud[21] précise que si l’ethos renvoie au travail de l’énonciateur pour construire son monde propre et le faire partager, il faut aussi prendre en compte qu’il s’agit de construire un univers où l’utilisateur peut « se retrouver » et évoluer « en connivence ». L’ethos serait alors à comprendre comme une notion porteuse « d’un système de valeurs ». Dans notre cas, cela incite à analyser les valeurs qu’exprime un logiciel pour être perçu et considéré comme jeu. Dans le cadre d’un jeu, ce qui peut constituer un ethos peut prendre de nombreuses formes, en commençant par la thématique ou l’univers dans lequel va se dérouler le jeu. Cela renvoie par exemple aux travaux de Kline, Dyer Witheford et De Peuter qui montrent que la sur-représentation de certains univers ont favorisé le développement de valeurs de masculinité dans l’industrie du jeu vidéo.

Il est cependant important de préciser que tout phénomène ne peut être actualisé comme un jeu, même s’il fait œuvre de médiation ludique. Par exemple, si certains promoteurs de produits éducatifs les qualifient de jeu, Catherine Kellner montre, en se fondant sur une série d’enquêtes menées auprès des enfants, que ceux-ci ne sont pas « dupes » de la véritable nature de l’exercice proposé : « si structurellement, l’activité n’est pas ludique, ils en sont conscients. Inversement, ils perçoivent bien les situations qui favorisent une attitude ludique de leur part, tout en restant libres de l’adopter ou non »[22].

Certaines situations se prêteraient alors plus aisément au jeu que d’autres. Salen et Zimmerman[23] montrent notamment que le jeu nécessite que l’action du joueur puisse avoir une répercussion signifiante dans le déroulement des événements. C’est donc également la façon dont le joueur est amené à s’exprimer qui doit être prise en compte dans l’exploration du potentiel expressif des jeux. En somme, il faut étudier la jouabilité singulière proposée par un jeu, soit la façon dont le joueur peut faire l’exercice de « possibles » qui s’offrent à lui[24]. Cela renvoie également aux travaux de Malaby[25] qui montre que les jeux doivent mettre en œuvre une forme de contingence afin d’être interprétés et agis comme tels. Cet auteur relève alors que la contingence est un facteur à prendre en considération pour comprendre ce qui peut rendre un jeu engageant, la contingence étant à comprendre ici comme ce qui aurait pu être autre. Pour cet auteur, les règles d’un jeu sont conçues et « calibrées » pour générer de la contingence. Les règles des jeux génèrent des conditions reproductibles pour guider l’action et des résultats imprédictibles qui sont alors à interpréter (le résultat doit être signifiant). Pour préciser sa pensée, Malaby indique que les règles d’un jeu diffèrent de celles de la bureaucratie en ce que ces dernières sont destinées à réduire l’imprédictible. En somme, analyser la jouabilité d’un jeu revient à s’interroger sur les modalités d’expression laissées au joueur, alors que l’ethos renvoie aux valeurs exprimées par les procédures mises en œuvre dans un jeu donné.

Mener une réflexion sur la relation entre ethos et jouabilité permet alors de préciser ce qui ferait la particularité des jeux expressifs par rapport à d’autres types de jeu, notamment par rapport aux jeux persuasifs, dans la façon dont une « conversation » se crée avec le joueur. Comparés aux jeux persuasifs, le but des jeux expressifs est d’avoir une approche plus large de l’expressivité. Les jeux peuvent aussi exprimer un point de vue sur des sujets sociétaux complexes et peuvent encourager le débat public sans pour autant prescrire certaines attitudes. D’une certaine façon, ce que je considère comme étant des jeux expressifs sont des jeux qui adaptent leur jouabilité aux besoins de leur ethos ludique, alors que les jeux vidéo adaptent habituellement leur ethos aux besoins de leur jouabilité.

La jouabilité est généralement le but premier des game designers et l’ethos ludique la soutient pour inciter les joueurs à agir, ce qui peut aussi expliquer en partie la présence de certains thèmes et certaines émotions dominantes dans les jeux vidéo. Comme l’indique Bernard Perron, « les notions de contrôle (ou la perte de celui-ci) et d’action sont au cœur de l’expérience du jeu vidéo. On comprend alors pourquoi la peur demeure l’émotion vidéoludique la plus exploitée. Elle est clairement orientée vers un objet et vers un but. C’est une émotion primaire et prototypique qui a une forte tendance à l’action »[26]. Dans ce cadre, les thématiques relevant de la masculinité militarisée s’adaptent facilement à l’impératif d’action des jeux vidéo, surtout si l’on prend en considération, comme le font les auteurs de Digital play que l’industrie du jeu vidéo est globalisée : « Violence is a cultural idiom that requires no translation within increasingly transnational entertainment markets: martial arts games, for example, can cross the Pacific from Japan to the US and back again very easily »[27].

Dans les jeux expressifs, la jouabilité n’est pas nécessairement la préoccupation première, elle sert l’ethos, bien que jouabilité et ethos soient nécessairement liés. Dans un jeu expressif, l’exploration d’un problème du quotidien réside au centre de son système de valeur. C’est probablement l’un des aspects les plus importants du concept : l’ethos ludique d’un jeu expressif représente un problème de la vie quotidienne et la jouabilité encourage les joueurs à faire l’expérience de divers problèmes éthiques et moraux afin de comprendre les conséquences des choix qu’ils ont effectués. Afin d’illustrer ces considérations théoriques, je vais montrer de quelle façon celles-ci ont constitué les fondations de deux projets de recherche-création et la réception qui a été faite des deux jeux que j’ai développés dans ce cadre.

Keys of a gamespace : une approche métaphorique du jeu expressif

KOAG est un jeu d’aventure point n’ click. Lorsqu’apparaît la première scène, le joueur apprend que la compagne du personnage principal est sur le point de le quitter s’il ne se résout pas à avoir un enfant après des années d’hésitations. Celle-ci lui laisse la soirée pour mettre de l’ordre dans sa tête et prendre une décision, puis quitte le domicile. Il faut noter que le joueur est susceptible de conférer un caractère biographique au jeu, même si celui-ci n’est pas présenté d’emblée comme une autobiographie. En effet, le personnage principal s’appelle Sébastien. Cela met l’accent sur la définition du jeu comme aire intermédiaire, entre réel et fiction. Pour prendre connaissance des raisons du blocage du personnage envers la paternité, le joueur va alors devoir progresser à travers différentes scènes. Les scènes sont des espaces mentaux imaginaires ou des souvenirs. Le joueur découvre peu à peu que les problèmes du héros ont pour origine la relation avec son père, qui a abandonné sa famille à l’adolescence du personnage, puis a été arrêté des années plus tard pour pédophilie. Cette histoire répète par ailleurs les actes commis par le grand-père du héros, qui a lui aussi abandonné ses enfants et a été arrêté pour affaire de mœurs sur mineurs. Il s’agit de communiquer au cours du jeu les questionnements et craintes du héros envers le déterminisme, la répétition de l’histoire, la responsabilité du père, etc.

L’une des premières préoccupations de conception était de permettre au joueur de se « retrouver » dans cet univers, même si la thématique du jeu écarte celui-ci des attributs usuels du jeu vidéo plus habituellement orientés vers la recherche du « fun »[28]. Il a été entre autres décidé de faire dès le début du jeu de nombreuses références à la culture vidéoludique, ceci avant que l’ensemble du propos ne soit délivré. Plusieurs productions de la scène « indépendante » du jeu vidéo procèdent de cette façon pour impliquer le joueur dans des œuvres atypiques. C’est le cas du jeu Braid[29], qui fait allusion à Super Mario Bros.[30] pour déconstruire ensuite les codes du jeu de plateformes et transmettre un message sur l’irréversibilité des actions humaines.  De façon plus générale, même si certains attributs de KOAG peuvent engager le joueur à se poser la question « est-ce un jeu ? », d’autres signes l’engagent parallèlement à considérer que « ceci est un jeu ». Le personnage principal est un passionné de jeux vidéo et ceux-ci ont toujours peuplé son imaginaire et souvenirs. Les scènes que le joueur va visiter sont alors chargées de références de jeux des années 80 et 90, pour consacrer une mémoire et une culture commune des jeux vidéo. Un exemple probant est une scène où le héros revisite son imaginaire d’enfance et durant laquelle il découvre l’attachement qu’il avait enfant à son père.

Image du jeu Keys of a Gamespace

Illustration 1. Scène métaphorique d’un souvenir d’enfance dans KOAG

Cette scène contraste avec d’autres plus sombres qui vont suivre et fait office de paradis perdu pour le héros. Elle instaure aussi un sentiment de nostalgie des jeux d’enfance, qui pourrait être partagé par certains joueurs. L’usage de la métaphore est régulier dans plusieurs scènes revisitées. Ce recours à la métaphore dans les jeux est d’ailleurs aujourd’hui un choix de design qui est recommandé par plusieurs chercheurs lorsqu’il s’agit de communiquer des idées abstraites et complexes sur des problématiques de vie « intérieure »[31] [32]. Par exemple, Doris C. Rusch propose de s’inspirer de la technique de la modélisation symbolique en game design pour créer des jeux « profonds » : « Symbolic modeling is based on the observation that the metaphorical content of our language and nonverbal cues (e.g., body language) reveal our inner landscapes and help us raise awareness for how we perceive the world and our role within it »[33].

De sorte à faire ressentir le déterminisme postulé par le héros, la jouabilité est au service de l’ethos en ne présentant que peu de possibilités quant à la façon de résoudre les énigmes. Mais c’est au moment des dernières scènes que le joueur est confronté à deux choix ayant une répercussion signifiante : il peut tuer ou pardonner le père (dans une scène apparentée à « l’imaginaire ») et doit déclarer à un personnage s’il pense ou non que nos actions sont déterminées. À la fin du jeu, il est confronté aux conséquences de ses choix, sous forme de questionnements qui mettent en relief des contradictions liées à chaque couple de décision émise. Si le joueur a par exemple puni le père et déclare croire en la liberté de nos actes, le jeu indique : « Vous pensez donc que nous sommes libres de nos actes et qu’il faut punir les individus pour leurs méfaits. Mais pour punir, vous avez commis un crime. N’est-ce pas paradoxal ? ». Le jeu invite alors le joueur à discuter ses choix sur le forum du jeu (dans l’optique de débat social[34] relevée par Frasca), il s’agit en somme de présenter une morale non moralisante.

Pour analyser la réception de KOAG quant aux choix de design effectués en lien avec le concept de jeu expressif, une première source utile a été les sites spécialisés dans la critique de jeux indépendants. Il était possible de s’attendre à ce que ces sites soient particulièrement réceptifs au jeu car la scène indépendante offre régulièrement des productions proposant d’expérimenter avec les normes du jeu vidéo. Effectivement, plusieurs critiques positives sont parues sur ce type de site et il est intéressant de comprendre comment les journalistes justifient leurs appréciations. Par exemple, l’une des toutes premières critiques de KOAG a été écrite sur Do it yourself gamers, un blog dédié à la scène du jeu indépendant. L’article indique : « Genvo’s team largely achieves its goal of showing how games can be a major medium of expression ». L’une des justifications utilisées par le journaliste montre comment certains éléments de l’ethos ludique, notamment ceux liés à l’univers vidéoludique, ont réussi à provoquer une attitude réflexive par rapport à la vocation de ce jeu en particulier et à la vocation des jeux en général :

I realized that having the story center around a gamer is effective for the point behind Keys of a GameSpace. I walked away with thinking the lesson is that people have choices in life as they do in games. These choices have consequences. Just as gamers analyze what to do in a situation on a game, they should do so in real life when confronted with certain issues or challenges.[35]

La jouabilité est un autre élément cité dans les critiques pour comprendre l’objectif réflexif du jeu :

While I can’t say any more about the game’s plot without spoiling it, I can say that this point-and-click psychological game will take players on an emotional ride that will make anyone question his or her own morality. The deeper into his subconscious mind the players go, the heavier the themes and ethical dilemmas become, climaxing in one of the most difficult choices one has to ever make in the video game space.[36]

On peut également noter qu’en dehors de sites spécialisés dans le jeu indépendant (qui sont plus enclins à apprécier des jeux expérimentaux), des sites de jeux vidéo plus grands publics ou liés à la presse généraliste ont également donné des retours positifs sur KOAG. Le jeu a par exemple été désigné comme étant l’un des 12 meilleurs jeux gratuits de l’année 2011 par le Daily Telegraph et le jeu a été évalué par PCgamer.com, le journaliste justifie de la façon suivante son appréciation du jeu et l’originalité du concept : « [The people behind KOAG] believe video games can be used to tell stories that tap into our minds, and explore the minds of characters. Keys of a Gamespace is an example of what they can do with this idea: a profoundly moving point-and-click adventure game, filled with fresh ideas and creative storytelling methods »[37]. Ce genre de critiques issu d’un journal grand public encourage à penser que KOAG peut faire sens auprès de différents types de joueurs aux profils variés, ce qui m’a amené à approfondir la réception du jeu à travers une étude qualitative. Avant que je ne présente cette étude, il est important de mentionner que le jeu a aussi reçu quelques critiques négatives, essentiellement à partir de sites spécialisés sur les jeux indépendants. Ces critiques sont également utiles pour comprendre comment des attentes similaires peuvent mener à des appréciations différentes sur le même jeu. Cette différence d’appréciation montre que les individus font des expériences différentes de l’ethos ludique et de la jouabilité selon leurs propres connaissances ludiques et/ou leur contexte socio-culturel, leur itinéraire biographique de joueur, etc. Un point intéressant est que selon la journaliste Tanya Kan, la durée du jeu, qui se veut très courte, et ses mécanismes de jeu, sont problématiques pour le développement du thème et des personnages, à la fois sur le plan de l’ethos ludique et de la jouabilité : « for something with such mature subject matter, we are being treated to bite-sized presentations that are no more elucidating than a gossip column » ; « the game seems to suggest that it celebrates free choice, just as my own gameplay experience seem to suggest its opposite »[38]. Néanmoins, il est difficile d’approfondir la compréhension de l’appréciation du jeu uniquement à partir de critiques en ligne. Par exemple, la durée du jeu dépend fortement des compétences ludiques du joueur. Cela montre la nécessité de resituer le contexte de l’expérience de jeu si l’on souhaite comprendre comment un « jeu signifiant » se crée. Une autre limite de considérer les sites de critique en ligne est qu’ils renvoient souvent à un profil particulier de joueurs : des journalistes professionnels ou des passionnés de jeux vidéo (qui ont tous deux des connaissances et compétences ludiques développées).

Le groupe mis en place pour mettre en œuvre une analyse qualitative était composé de 9 femmes et 16 hommes, comportant des personnes n’ayant pratiquement jamais joué à un jeu vidéo (par exemple une femme de 53 ans) jusqu’à des hard-core gamers (par exemple un homme de 22 ans jouant 17 heures par semaine). Du fait du sujet du jeu, le plus jeune joueur avait 18 ans.  Le joueur ayant fini le jeu le plus rapidement l’a fait en 21 minutes et le plus lent en 93 minutes, pour une durée moyenne de 41 minutes. La technique d’enquête consista en questions générales sur l’appréciation du jeu et sur les attentes par rapport à ce qu’un jeu devrait être. Chaque joueur devait donner des informations sur ses pratiques de jeux vidéo (genre préféré, etc.).

Certains joueurs ont refusé de considérer KOAG comme un jeu du fait de son ethos ludique ou de sa jouabilité. La femme de 53 ans ne voulait pas le voir comme tel car le sujet était trop sensible, elle vivait de plus ce genre de situation au quotidien dans son travail puisqu’elle était assistante sociale. En d’autres termes, des sujets sensibles peuvent aller à l’encontre de la représentation et des attentes que se font les joueurs de ce qu’est un jeu. Une autre joueuse considéra davantage le jeu comme une forme de narration car il était très directif et ne présentait pas les caractéristiques habituelles d’un jeu vidéo, comme les « combats », les « récompenses », etc. Mais d’autres joueurs ont eu un regard plus nuancé. Un joueur de 22 ans indiqua que KOAG remettait en question ses attentes sur ce qu’était un jeu, notamment par rapport au fait qu’un jeu se devait d’être divertissant ou fun. Ce genre de retour confirma l’hypothèse fondant ma problématique de conception, qui était que le fun est une attente importante pour certains joueurs et qu’il est nécessaire de prendre en considération les connotations usuelles de ce que doit être un jeu, que ce soit pour les confirmer ou les contourner. La principale difficulté est alors d’aller au-delà de ces attentes habituelles afin de développer des caractéristiques de jeu non conventionnelles.

Voir KOAG comme un nouveau genre de jeu était d’ailleurs un sujet de discussion sur le forum du jeu. Ce qui est intéressant est que les joueurs justifient leur point de vue à la fois à partir de leur propre expérience et de ce que KOAG apporte en termes de jouabilité et d’ethos :

I enjoyed being immersed in the character’s memories or even unconscious. Even if the possibilities are limited, here is a ‘game’ that triggers real thoughts. I like to play, but not fight or kill…: games without fight are very rare. I like to think too. Until now, all the games I played weren’t very deep in thinking stuff. […] I’m convinced by the creative potential of video games: not only graphic or audio design, but artistic creativity. A game can create a true experience, as deep as those coming from reading a book or watching a film. Maybe even deeper, as the game universe is even more immersive, and the gamer is more involved than a reader due to the freedom of action.

L’étude de réception menée sur les joueurs de KOAG montre que concevoir un jeu à partir de caractéristiques non conventionnelles, tout en les encourageant les joueurs à se poser la question « est-ce un jeu ? », peut amener à faire évoluer la définition, les connotations et les attentes que les individus ont par rapport à ce qu’ils appellent un jeu. Les acquis de cette première recherche ont été mis à profit et approfondi lors de la conception de mon second jeu en 2019, Lie in my heart.

Lie in my heart : le jeu expressif comme acte de témoignage autobiographique

Il faut souligner qu’au sein des jeux vidéo en général, la forme autobiographique est très peu investie, alors même que ce genre est courant dans les autres médias. Cette absence de jeux autobiographiques s’explique peut-être par l’association habituelle du jeu à un « exercice des possibles » : le joueur veut avoir l’impression qu’il a le choix et que ses actions ont des répercussions signifiantes sur la suite des évènements. Comment concilier cela avec le fait de transmettre une série de faits biographiques préalablement établis ? C’est la question que posent les rares jeux biographiques existants. That Dragon, Cancer[39] propose par exemple de témoigner du vécu de son concepteur face à la maladie de son nouveau-né atteint d’un cancer. Pour rester dans le cadre ludique, le jeu mobilise de nombreuses scènes métaphoriques, s’inscrivant à ce titre dans la perspective plus globale décrite par Doris C. Rusch lorsqu’il s’agit d’aborder des ressentis par rapport à des problématiques de vie dans les jeux. On peut cependant souligner que sur le plan de la jouabilité, le choix a été fait de contraindre le joueur en ne lui laissant que peu de latitude quant au déroulement des faits.

La question de la biographie dans le jeu vidéo est donc particulièrement stimulante pour explorer les spécificités des jeux comme forme d’expression, posant la question de la façon dont il est possible de concilier la jouabilité aux impératifs du témoignage d’expériences individuelles. C’est à travers une initiative de recherche-création que j’ai récemment exploré le sujet avec le développement de Lie in My Heart. Dans ce visual novel, le joueur va découvrir une série d’évènements m’ayant touché il y a quelques années. La mère de mon fils, appelée « Marie » dans le jeu, a décidé de mettre fin à ses jours. Elle souffrait notamment de troubles bipolaires, bien que son acte ne puisse se résumer à ces troubles. Au-delà du vécu de ce drame individuel comme de l’interrogation sur les causes de ce dernier, se posent aussi dans le jeu les questions d’accompagnement de l’enfant dans cette épreuve tout comme celle de la résilience. Une première piste choisie pour concilier la jouabilité à la dimension biographique a été de s’inspirer de l’histoire contrefactuelle[40], qui est une forme d’approche historique autorisant l’exploration de scénarios alternatifs et probables pour mieux comprendre les facteurs jouant sur le déroulement d’une situation, et ses mécanismes de causalité. Cela semblait particulièrement approprié à la thématique des interrogations sur les causes du drame, qui est un des points centraux de l’expérience. L’une des recommandations méthodologiques de cette approche pour en fonder la scientificité est d’inciter à faire la comparaison entre le scénario alternatif et l’évènement effectif. C’est donc cette approche qui a été développée dans LIMH et qui a permis selon moi de sortir de la tension entre témoignage et jouabilité : le joueur est libre de suivre son chemin au sein de scénarios alternatifs qui sont dessinés, mais un rappel lui est fait couramment sur la différence entre ses choix et ceux du « réel ». Cela peut également avoir pour effet d’inviter à une forme de rejouabilité, le joueur pouvant essayer de combler l’écart entre ses choix et ceux de l’itinéraire biographique effectif dans une partie ultérieure. Cela visait également à permettre une attitude plus réflexive chez le joueur durant ce second temps, après une première expérience plus orientée vers l’implication émotionnelle et empathique.

Un choix de conception a donc été de laisser la possibilité au joueur d’impacter le déroulement de certains évènements, mais aussi et surtout de lui permettre d’exprimer ses propres valeurs pour réagir aux évènements présentés, ce qui n’est pas non plus l’optique développée jusqu’alors dans les jeux vidéo biographiques. Pour exemple, dans That dragon cancer, l’épreuve qui nous est présentée – le vécu d’un père par rapport à son nouveau-né atteint du cancer – est abordée au prisme d’une vision chrétienne de la mort qui a permis au concepteur de surmonter le drame. Dans Lie in my heart, le choix a ici été fait de laisser au joueur la liberté d’expliquer la mort à l’enfant selon différents systèmes de valeurs (croyants ou non-croyants). Plus tard s’il le veut, le joueur pourra découvrir de quelle façon le décès a véritablement été expliqué.

De cette façon, l’expressivité du jeu est tout autant celle de l’œuvre que celle du joueur, même si cette dernière est toujours circonscrite, un jeu étant nécessairement un équilibre entre un ensemble de règles contraignantes (le game) et une liberté d’appropriation (le play). Dans ce cas précis, la difficulté est de choisir quelles sont les scènes ou éléments contraints et ceux sur lesquels on souhaite laisser le choix au joueur. L’interrogation en tant que concepteur était donc de savoir à quel point il fallait ouvrir les possibilités de choix dans certaines scènes (et quels choix donner au joueur), tout en respectant la trame narrative que l’on veut transmettre, pour que celle-ci reste cohérente avec ce dont on souhaite témoigner. Le choix a cependant été fait de toujours paramétrer d’une façon ou d’une autre les dialogues en fonction des actions du joueur, un paramétrage parfois subtil et qui ne bouleverse pas complètement certains évènements clés de l’intrigue. Comme je l’ai indiqué précédemment, l’objectif à travers ce jeu était tout de même que le joueur puisse se reconnaître dans l’histoire personnelle proposée.

D’un autre côté, afin de renforcer la dimension testimoniale du jeu, un autre choix atypique par rapport aux jeux biographiques a été de s’écarter d’une approche métaphorique des situations présentées, ce qui distingue fortement LIMH de KOAG mais aussi d’autres productions de ce type. Le fait de renforcer l’ancrage du jeu dans les événements vécus se traduit notamment sur le plan de la direction artistique. « Marie » était par exemple artiste et certaines de ses peintures ou installations d’art ont été incluses dans plusieurs scènes, parfois directement en photo comme une fenêtre ouverte sur le passé et le réel, ou parfois comme élément interactif offrant des éléments de jouabilité. Plusieurs scènes du jeu sont aussi issues de photographies prises durant notre vie de couple. Cependant, comme nous l’avons vu, afin d’adopter une attitude ludique, un individu doit considérer une situation comme une aire intermédiaire d’expérience, entre le réel et la fiction. Le risque de cette approche très ancrée dans le réel était dès lors que l’expérience soit très difficilement considérée comme un jeu, d’autant plus avec la thématique abordée. Pour développer la dimension ludique, chaque scène du jeu a été retravaillée par une superposition de dessin au crayon et de digital painting, faisant des différentes séquences des aires intermédiaires entre le réel et la fiction.

Illustration 2. Cette image de LIMH résulte d’un mélange d’esquisses et de photographie

De la même façon, certains personnages rencontrés (un policier, un journaliste, etc.) sont des caricatures d’autres personnages fictionnels donnant une connotation particulière aux joueurs saisissant la référence et ouvrant une forme de contingence sémiotique (pour reprendre un terme développé par Malaby), de jouabilité interprétative dans la signification à accorder à certaines scènes. On peut notamment mentionner le cas du personnage de l’inspecteur de police, dont le nom et les traits peuvent rappeler le célèbre inspecteur La bavure, interprété par Coluche[41]. D’une certaine façon, ces références caricaturales inscrivent Lie in my heart dans une tradition, celle des jeux d’aventure français des années 80 où il n’était pas rare de croiser des références faites au paysage audiovisuel, cinématographique, musical, voire politique de la France de cette époque. On pense par exemple au Dossier Boerhaave[42] (Infogrames, 1986) où le joueur mène une enquête policière autour du cimetière du Père Lachaise en rencontrant des caricatures de Jacques Chirac. À ce titre, Lie in my heart s’inscrit lui aussi dans un territoire local puisque plusieurs éléments précisent que les évènements se déroulent à Louvigny, village de l’Est de la France où nous résidions avec Marie. Ces références culturellement ancrées permettent selon moi de renforcer encore davantage l’effet de réel conféré à certains aspects du jeu. Les références à des éléments de culture locale, bien qu’existante dans les jeux vidéo, ne sont pas généralement très répandues. Comme le montrent les auteurs de Digital Play, cela peut s’expliquer par les logiques de globalisation présents dans cette industrie, qui favorisent des imaginaires déjà en circulation sur le plan transnational. La question était donc de savoir si ce type d’approche pouvait faire sens sur un plan international (le jeu est disponible en français, italien et anglais).

Enfin, Lie in my heart est aussi traversé dans sa vocation, dans son contenu et dans sa forme par une réflexion autour du rôle des souvenirs que l’on entretient vis-à-vis de proches disparus afin de donner une forme de continuité à leur existence, instituant dès lors le jeu vidéo comme un outil mémoriel. Cette dimension est notamment développée par plusieurs dialogues et une citation en fin de jeu, celle de Lord Tennyson, qui renvoie également à une autre référence fictionnelle, celle du film Elephant Man[43], où le héros dans ses derniers moments se rappelle l’image de sa mère défunte lui récitant ce poème : « Never, oh! never, nothing will die? The stream flows, The wind blows, The cloud fleets, The heart beats, Nothing will die». S’il y a bien un média qui nous apprend que rien ne meurt jamais, c’est bien celui des jeux vidéo où la mort n’est souvent qu’une étape d’un éternel recommencement et un apprentissage par le souvenir. Et s’il y a quelque chose que j’espère avoir proposé par la création de Lie in my heart, c’est de montrer qu’il est possible d’inscrire une mémoire dans les mémoires, par la mémoire vidéoludique. En somme, le vécu personnel d’un individu peut aussi se transformer en vécu personnel de joueur.

Tout comme dans le cas de KOAG, différentes sources ont permis d’avoir un retour de la réception sur les différents choix théoriques et de conception développés dans LIMH. Avant que le jeu ne soit commercialisé sur la plateforme steam, une première analyse qualitative de réception a été menée sur 8 joueurs (4 hommes et 4 femmes), d’âges différents (de 21 ans à 62 ans) et de différents niveaux de pratique (de joueurs réguliers à très occasionnel). L’objectif était à la fois de questionner après une session de jeu le ressenti émotionnel des joueurs (ceci en les aidant à verbaliser leur ressenti à partir de la roue des émotions de Genève[44]), tout comme l’apport réflexif sur les thèmes abordés (quels sont les thèmes identifiés, le jeu amène t’il à s’interroger sur ceux-ci), mais aussi sur la perception de la dimension ludique de l’œuvre (est-ce un jeu ?). Ces premières analyses ont tout d’abord confirmé la forte charge émotionnelle que pouvait comporter le jeu, puisque la quasi-totalité des sujets (7/8) a déclaré avoir ressenti fortement des émotions, comme la tristesse (6/8), la compassion (4/8), la colère (5/8, notamment vis-à-vis du sentiment d’impuissance par rapport à certains évènements), la joie (4/8, notamment par rapport à la fin poétique ou certains souvenirs heureux). Concernant l’aspect réflexif, une grande majorité (6/8) a indiqué que le jeu amenait à se poser des questions, à réfléchir ou pouvait donner envie de se renseigner sur les thématiques qui ont été identifiées (maladie mentale, suicide, problèmes de couple, rapport de l’enfance à des situations difficiles). De façon plus générale, tous les joueurs (8/8) ont affirmé s’être retrouvés de façon personnelle dans l’histoire et s’y être reconnus, que ce soit par rapport aux situations décrites ou par rapport aux personnages (que ce soit le personnage de Sébastien, de Marie, voire de l’enfant). Cette adhésion tend à valider les choix théoriques et de conception ayant été faits pour permettre aux joueurs de se « retrouver » dans le jeu au-delà de l’histoire singulière qui est dépeinte, ceci en leur permettant de s’exprimer tout en conservant une logique de témoignage biographique.

Il faut noter que cette reconnaissance des joueurs dans l’intrigue s’est aussi retrouvée à la suite de la parution du jeu, au sein des avis laissés sur la page steam de LIMH[45], ce qui constitue une autre source pour analyser la réception du jeu. Ces avis permettent de mettre en valeur la possibilité d’ancrer une histoire localement tout en touchant des joueurs d’origines culturelles variées, ce qui était aussi une des interrogations au cœur des choix de conception. Des avis positifs de joueurs de différentes nationalités (par exemple russe ou encore chinois) insistent par exemple sur l’impact émotionnel du jeu (« The end result moved me in a way I don’t think a game has ever moved me before ») mais aussi sur la dimension identificatoire que permettent certains procédés du jeu, comme le fait ce joueur russe : « le jeu est fait pour que le joueur soit SEBASTIEN et que nous le regardions dans son rôle. C’est sur cela que le jeu se concentre – pour que nous mettions le masque d’une personne et que nous puissions voir les événements en son nom ».

L’aspect empathique et émotionnel, déjà identifié par les analyses qualitatives, se retrouve également dans les articles de presse (c’est par exemple le cas du journal Le Parisien, qui indique « Sébastien Genvo a conçu un jeu vidéo autobiographique dans lequel il invite le joueur à réfléchir sur des émotions comme la tristesse, l’empathie »), mais aussi sur la dimension réflexive qu’engage l’expérience. C’est par exemple dans le cas d’un article consacré à LIMH par le journal Le Monde : « Le recours au jeu vidéo comme médium n’est pas anodin : il permet de questionner l’incertaine part de manœuvre dont chacun croit disposer sur sa vie et celle de ses proches »[46]. Une remarque similaire est formalisée sur le site spécialisé Eurogamer.com, qui restitue l’alternance entre engagement et distanciation que peut connaitre le joueur : « The different paths created by Genvo are fascinating. While playing, you’ll find yourself instinctively leaning in certain directions, then questioning whether you should have gone that way »[47]. Mais que ce soit au sein de l’analyse qualitative, des avis des joueurs ou encore par l’intermédiaire de la presse, l’ensemble des sources comportent des discussions sur le statut de jeu de LIMH.

L’article d’Eurogamer.com commence par exemple de la façon suivante : « Lie in my Heart isn’t really a game. OK, it is technically, but it’s also the story of an awful time in one man’s life ». Certaines tentatives de définition de la part des joueurs tendent à le rapprocher davantage de formes narratives classiques, par exemple le journal intime pour ce joueur sur steam : « Plus qu’un jeu, un extrait d’un journal intime, une tranche de vie qui fait mal ». D’autres joueurs soulignent l’aspect émotionnel atypique pour un jeu vidéo : « Ce jeu a été tellement émouvant pour moi que j’ai eu du mal à le définir comme tel. C’est une réelle expérience qui peut vous faire apprendre sur vous-même et vous faire réfléchir face à des situations complexes ». Plusieurs sujets de l’enquête qualitative avaient également souligné le fait que cette expérience s’écartait des canons classiques du jeu. L’un des participants a par exemple souligné qu’un jeu doit emmener l’individu en dehors de la réalité, un autre que le jeu n’était pas joyeux. Tout comme pour KOAG, on peut constater que les connotations conférées à ce qu’est un jeu structurent fortement l’expérience de certains joueurs, les amenant à questionner s’il s’agit bien d’un jeu (et ceci même si par rapport à KAOG le paysage des jeux indépendants s’est fortement diversifié et développé depuis 10 ans). D’autres joueurs montrent cependant dans leurs avis que cette interrogation les a amené à redéfinir leurs attentes en termes de jeu, confirmant de nouveau le fait qu’une interrogation sur le statut ludique d’une œuvre « atypique » (« est-ce jeu ? ») peut amener l’individu à faire évoluer ses propres représentations de l’objet, comme le montre cet avis de joueur sur steam : « On pourrait même dire qu’il ouvre la voie à un nouveau genre de jeux vidéo ; des jeux autobiographiques, voire des jeux mémoriaux. C’est plus qu’un simple Visual Novel, c’est une expérience, on se met à la place de l’auteur, on fait des choix, puis on s’interroge et prend du recul pour réfléchir… ». C’est aussi le sens de la conclusion d’un article du journal Libération, montrant que ce cette ouverture du jeu à de nouveaux horizons expressifs est à présent susceptible d’interpeler un large public : « le plus bel apport de Lie in My Heart est peut-être simplement d’élargir les contours de ce que peut être le jeu vidéo »[48].

La notion de jeu expressif comme cadre analytique et moteur de création

Il est indéniable que de nos jours, de nombreux jeux peuvent explorer des problématiques liées au réel sans pour autant les mettre en scène de façon centrale dans leur univers, dans leur ethos. On peut par exemple penser au jeu Celeste[49] qui, sous couvert de jeu de plate-forme classique, véhicule par sa jouabilité une métaphore de la dépression et de la résilience. Il me semble à ce titre important de ne pas essentialiser la notion de jeux expressifs, par exemple en définissant hâtivement tel jeu comme expressif et tel autre comme ne l’étant pas. C’est ce qu’a notamment montré Gabrielle Trépanier-Jobin dans un article[50] issu d’un séminaire que nous avions organisé sur le concept en 2014. En abordant la distinction que l’on peut faire entre jeux sérieux, expressifs et persuasifs, elle soulignait la nécessité de questionner l’imbrication de différents cadres de lecture, notamment dans la façon dont un objet s’inscrit aussi dans un certain paratexte, dans différents contextes de réception et de présentation, etc. Dans le même sens, plus récemment, Esteban Giner[51] a avancé l’idée de l’analyse d’un jeu selon un continuum expressivité – persuasivité. Néanmoins, pour réaffirmer l’intérêt de la notion de jeu expressif, celle-ci semble particulièrement adaptée pour penser et explorer les horizons expressifs des jeux vidéo. Initialement, la notion de jeu expressif en tant qu’objet de recherche provenait du constat du manque d’un concept pour penser et forger une certaine réalité. Il s’agissait d’esquisser une certaine philosophie du jeu, si l’on considère que le travail du philosophe est de produire des concepts (ce qu’avancent Gilles Deleuze et Félix Guattari dans Qu’est-ce que la philosophie[52]). La notion d’expressivité permet ainsi de penser ces types de jeux, qui parlent du réel, qui n’essaient pas de nous convaincre d’un message préétabli sur ce réel, mais qui visent plutôt à interroger le joueur pour lui laisser apporter ses propres réponses. Mais le concept de jeu expressif permet aussi d’esquisser une voie pour explorer ce que peut être l’art du jeu vidéo. Pour moi une des vocations de l’art est de nous toucher émotionnellement tout en nous faisant réfléchir sur nous-même, sur autrui, sur le monde qui nous entoure. En conclusion, à travers la présente réflexion et la restitution de la démarche de création entourant deux jeux, j’ai souhaité montrer qu’interroger l’expressivité des jeux vidéo permet également d’en interroger la potentialité artistique.


[1] Stephen Kline, Nick Dyer-Witheford, Greg De Peuter (2003) Digital Play. The Interaction of Technology, Culture, and Marketing, Montreal & Kingston : McGill-Queen’s University Press.

[2] Maxis (2000) The Sims. Electronic Arts

[3] Gonzalo Frasca (2001) « The Sims: Grandmothers are coller than trolls ». In : Gamestudies, 1, en ligne : http://www.gamestudies.org/0101/frasca/

[4] Gonzalo Frasca (2010) September 12th, Newsgaming

[5] Sébastien Genvo, Alexis Blanchet (2020) «  Le jeu d’aventure à la française ». In : Alexis Blanchet, Guillaume Montagnon, Une histoire du jeu vidéo en France – 1960-1991 : des labos aux chambres d’ados, Paris : Edition Pix’n’Love

[6] Froggy Software (1985) Même les pommes de terre ont des yeux, Froggy Software

[7] Tomahawk (1988). Freedom : Les guerriers de l’ombre, Coktel Vision

[8] Jason Rohrer (2007) Passage.

[9] Expressive Gamestudio. (2011) Keys of a gamespace. Le jeu est disponible gratuitement à cette adresse : https://expressivegames.itch.io/keys-of-a-gamespace

[10] Expressive Gamestudio. (2011) Lie in my heart. Cogaming Rising

[11] Serge Bouchardon (2010) « Ludicité et lucidité dans Les 12 travaux de l’internaute ». In : Monique Maza, Alexandra Saemmer. E-formes 2Au risque du jeu. Saint-Étienne : Publications de l’Université de Saint-Étienne, p. 121-129.

[12] Ian Bogost (2007) Persuasive games : the expressive power of videogames. Cambridge, Massachusetts : MIT Press.

[13] Ils ont par exemple conçu ensemble Howard Dean for Iowa en 2003, qui était le premier jeu vidéo officiel d’un candidat à l’élection présidentielle américaine et dont l’objectif était de convaincre les électeurs de voter pour ce candidat lors des primaires du parti démocrate.

[14] Gonzalo Frasca (2003) « Simulation versus narrative ». In : Mark.J.P. Wolf, Bernard Perron. The video game theory reader. New York : Routledge.

[15] Miguel Sicart (2011) « Against procedurality ». Gamestudies, 11(3), en ligne : http://gamestudies.org/1103/articles/sicart_ap

[16] Donald.W. Winnicott (1971) Jeu et réalité, l’espace potentiel. Paris : Gallimard, p.67.

[17] J. Henriot (1989) Sous couleur de jouer. Paris : José Corti, p. 221.

[18] Ibid.

[19] Gregory Bateson (1977). Vers une écologie de l’esprit. Paris : Seuil.

[20] Thomas M. Malaby (2007) « Beyond Play. A new approach to games ». Games and culture, 2(2), p. 95-113.

[21] Jean-Jacques Boutaud (2008) « Les TIC et l’ethos ». In : Nicole Pignier, Benoit Drouillat, Le webdesign, Paris : Hermes – Lavoisier.

[22] Catherine Kellner (2000) La médiation par le cédérom « ludo-éducatif ». Approche communicationnelle, Thèse de doctorat en Sciences de l’Information et de la Communication, sous la direction du Pr. Jacques Walter, Université de Metz, p. 395

[23] Katie Salen, Eric Zimmerman (2004) Rules of Play. Game Design Fundamentals. Cambridge, Massachusetts :  MIT Press, p. 32-36

[24] Sébastien Genvo (2013) Penser la formation et les évolutions du jeu sur support numérique, mémoire d’habilitation à diriger les recherches, sous la direction du Pr. Jacques Walter, Université de Lorraine, en ligne : http://www.expressivegame.com/publications/livres-et-theses/penser-la-formation-et-les-evolutions-du-jeu-sur-support-numerique/

[25] Thomas M. Malaby (2007) « Beyond Play. A new approach to games ». op. cit.

[26] Bernard Perron (2006) « Jeux vidéo et émotions ». In : Sébastien Genvo, Le Game Design de jeux vidéo : approches de l’expression vidéoludique, Paris : L’Harmattan, p. 360.

[27] Stephen Kline, Nick Dyer-Witheford, Greg De Peuter (2003) Digital Play. The Interaction of Technology, Culture, and Marketing, op.cit., p. 251.

[28] Raphael Koster (2005) A theory of fun for game design, Scottsdale : Paraglyph Press.

[29] Number one (2008). Braid. Number one

[30] Nintendo creative department (1985) Super Mario Bros. Nintendo

[31] Doris C. Rusch (2017) Making deep games, New York : CRC Press

[32] Sabine Harrer (2018) Games and bereavement, Bielefeld : Transcript Verlag

[33] Doris C. Rusch (2017) Making deep games, op. cit. p.56.

[34] Le jeu étant distribué en anglais et en français, il est probable que le joueur réside dans un pays pratiquant la peine de mort, ce qui peut donner un aspect politique au propos.

[35] John Polson (2011), « What do Twin Peaks, Eraserhead and Mystic River have in common? Keys of a gamespace », DIYGamer.com, en ligne : http://www.diygamer.com/2011/09/twin-peaks-eraserhead-mystic-river-common-keys-gamespace/

[36] J. Hutchings, J. (2011), « Games as art – the expressive potential of game design », JTMgames.com, en ligne : http://jtmgames.com/2011/11/06/games-as-art-expressive-potential-game-design/

[37] Lewis Denby (2011), « This week’s best free PC games », PCGamer.com,
http://www.pcgamer.com/2011/10/02/this-weeks-best-free-pc-games-19/

[38] Tanya Kan (2011), « Review: keys of a gamespace », en ligne : https://indiegamereviewer.com/review-keys-of-a-gamespace/

[39] Numinous Games (2016) That dragon, cancer, Numinous games.

[40] Quentin Deluermoz, Pierre Sinagaravélou (2016) Pour une histoire des possibles. Analyses contrefactuelles et futurs non advenus, Paris : Le Seuil.

[41] Claude Zidi (1980) Inspecteur La Bavure. France 3

[42] Infogrames (1987) Dossier Boerhaave. Infogrames

[43] David Lynch (1981) Elephant Man, Brooksfilms.

[44] K.R. Scherer, K.R., V. Shuman, V., J.R.J Fontaine & C. Soriano  (2013) « The GRID meets the Wheel: Assessing emotional feeling via self-report ». In : R.J. Johnny Fontaine, R. Klaus Scherer & C. Soriano, Components of Emotional Meaning: A sourcebook, p. 281-298. Oxford: Oxford University Press.

[45] https://store.steampowered.com/app/1116490/Lie_In_My_Heart/

[46] William Audureau (2019) « Lie in My Heart, jeu vidéo poignant sur les thèmes du suicide et du deuil », LeMonde.fr, en ligne : https://www.lemonde.fr/pixels/article/2019/10/07/lie-in-my-heart-jeu-video-poignant-sur-les-themes-du-suicide-et-du-deuil_6014505_4408996.html

[47] Jennifer Allen (2019), « Lie in my Heart and dealing with the aftermath », Eurogamer.com, en ligne : https://www.eurogamer.net/articles/2019-11-13-lie-in-my-heart-and-dealing-with-the-aftermath

[48] Marius Chapuis, « Lie in my heart, niveaux de vie », Libération, en ligne : https://next.liberation.fr/images/2019/10/25/lie-in-my-heart-niveaux-de-vie_1759735

[49] Matt Makes Games (2018) Celeste, Matt Makes Games

[50] Gabrielle Trépanier-jobin (2016), « Differentiating Serious, Persuasive and Expressive Games », Kinephanos, special issue, En ligne : https://www.kinephanos.ca/2016/differentiating-seriouspersuasive-and-expressive-games/

[51] Esteban Giner (2019), « Analyser et qualifier la persuasivité des discours contenus dans un jeu vidéo : le cas de la récession de Possum Springs », Émulations, 30

[52] Gilles Deleuze, Felix Guattari (1991) Qu’est-ce que la philosophie, Paris : Éditions de Minuit