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Thursday, 24 October 2019

Colloque de Lausanne : « Les langages du jeu vidéo : codes, discours et images en jeu »

Du 24 au 26 octobre 2019 un colloque international organisé par l’UNIL Gamelab s’est déroulé à Lausanne. Il a réuni de nombreux chercheurs étudiant le jeu, dont deux membres de l’Expressive Gamelab.

 

 

Rémi Cayatte a présenté une communication intitulée “L’émotion comme moteur de jeu” qui s’inscrit dans le cadre de ses recherches liées au projet Goblinz story dont il avait déjà eu l’occasion de parler à Strasbourg.

Il propose ainsi un questionnement au sujet des émotions dans le jeu vidéo qui s’ancre dans un contexte théorique précis, notamment par l’utilisation de la “Geneva Emotion Wheel” qui permet de classer les émotions selon deux axes, la valence et le degré de contrôle. Cette roue a pour autre avantage de fournir un support pour mener à bien des tests auprès de joueuses et de joueurs. Ces travaux se prolongent aussi dans des réalisations concrètes dans la mesure où il s’agit d’un projet de recherche-création en lien avec un studio de développement.

Guillaume Grandjean a fait une intervention ayant pour titre “Le langage du level design : un langage figuratif et figuré. L’exemple de The Legend of Zelda.” Comme le montre cet intitulé, cette prise de parole est en lien étroit avec les travaux qu’il poursuit dans le cadre de sa thèse. L’accent est ici mis sur le level design, contrairement à sa communication de l’an passé à Liège qui insistait davantage sur l’exploration ainsi que le mentionnait Esteban Grine sur son carnet de recherches en ligne.

À partir d’un article de Joaquín Siabra-Fraile qui conclut que les règles des game designers ne constituent pas réellement un langage, G. Grandjean développe au contraire une argumentation pour soutenir la position inverse, et propose une analyse des figures de style du level design afin d’enrichir la grille analytique de J. Siabra-Fraile.

 

Vous pouvez retrouver les vidéo des communications sur la chaîne youtube de la faculté des lettres de l’Université de Lausanne ou en cliquant sur les liens qui vous intéressent dans la liste ci-dessous.

1. Ugo Ellefsen : “Normalisation des voix vidéoludiques radicales en traduction : étude de corpus sur le personnage en tant qu’interface subjective dans la localisation française du jeu vidéo Tyranny”

Présentation : cette communication présente des problématiques liées à la traduction de textes qui se trouvent dans des jeux vidéo. Il s’agit de s’interroger sur la manière de traduire un langage qui s’inscrit pas seulement dans un texte mais aussi dans une interface interactive tout en conservant les caractéristiques de l’expérience initiale. Par la mise en œuvre d’une méthodologie qui a notamment permis de produire des données quantitatives, l’auteur montre qu’il existe, dans l’exemple étudié, une normalisation voire une homogénéisation des contenus. Ses recherches pourraient entre autre permettre de développer des outils permettant d’éviter ce genre d’écueils.

2. Pierre-Yves Houlmont. “Traduire le jeu vidéo : une renégociation de langages”

Présentation : cette deuxième communication part du constat de la complexité inhérente aux textes présents dans les jeux vidéo. En effet, ces derniers étant des médias plurisémiotiques, ils disposent de plusieurs langages qui coexistent et interagissent. Par conséquent, les traducteurs doivent prendre en compte ces différents éléments pour mener à bien leur travail. P. Y. Houlmont propose donc de penser ces multiples relations. Pour ce faire, il utilise une grille qu’il a spécifiquement créé pour les traductions de jeux vidéo.

3. Jérôme Jacquin et Aris Xanthos. “L’évolution de la complexité linguistique dans un jeu de cartes numérique: un exemple de Linguistic Game Studies”

Présentation : il s’agit ici de l’étude de l’évolution de textes présents sur les cartes du jeu Hearthstone. Pour ce faire, un corpus a été constitué à partir d’une catégorisation des mots constituants ces derniers. La problématique principale est de déterminer dans quelle mesure l’évolution de ceux-ci reflètent la tension qui accompagne l’ajout de nouvelles cartes, à savoir la contradiction entre la volonté de complexifier l’expérience de jeu pour fidéliser les joueurs expérimentés et celle de rendre le jeu plus facile d’accès pour en attirer de nouveaux.

4. Mathilde Savoie. “Approches de remédiatisations vidéoludiques : les langages de la saga Star Wars”

Présentation : À partir d’une comparaison de deux jeux issus de l’univers de Star Wars, à savoir Knights of the Old Republic et Star Wars Battlefront II, M. Savoie propose l’étude d’un cas de narration transmédiatique. Comment ces jeux remobilisent-ils les éléments développés au sein d’autres médias, et quelles spécificités propre au jeu vidéo sont utilisées ? Pour répondre à ces questions, la notion d’intertextualité est mise à profit pour penser les liens qui se tissent au sein de cet univers, ainsi que celle d’encyclopédie, empruntée à U. Eco.

5. Iñigo Atucha. “Improvisation, capital culturel et réécriture narrative: jouer au mode libre de GTA Online”

Présentation : cette communication étudie les rapports qui se créent entre le répertoire individuel et le répertoire du jeu dans le mode libre de GTA Online. Autrement dit, il s’agit d’interroger la relation entre ce qui constitue les encyclopédies personnelles des joueurs et les divers schémas qui sont collectivement partagés par les joueurs. I. Atucha propose de penser l’expérience de ces derniers dans les termes d’une improvisation théâtrale qui se déploie dans l’univers cinématographique de GTA V, ce dernier leur fournissant un ensemble de citations mobilisables sous la forme d’éléments interactifs particuliers.

6. Hélène Sellier. “Jeu vidéo et littérature : trouver un langage commun dans le Visual Novel”

Présentation : le Visual Novel est un genre hybride, qui constitue un point de rencontre de plusieurs cultures médiatiques, comme la bande dessinée, le jeu vidéo ou encore le jeu de rôle. Si l’existence de marqueurs ludiques pourrait nous donner envie de classer définitivement le Visual Novel comme un jeu vidéo, Hélène Sellier propose au contraire de mettre en avant son statut ambiguë, à la fois jeu vidéo et littérature et pas seulement l’un ou l’autre. Le penser dans l’espace de cet entre-deux qui offre un lieu où se développe un langage commun entre ces pôles permet finalement de faire ressortir ce qui est le propre du langage du jeu vidéo.

7. Carl Therrien et Jean-Charles Ray. “L’évolution récursive du langage vidéoludique : comprendre les structures fondamentales des configurations jouables dans l’histoire du jeu pour dynamiser la création future”

Présentation : comment étudier la jouabilité ? Dans cette communication, C. Therrien et J.-C. Ray présentent un outil qui a pour but de pouvoir étudier l’évolution du langage vidéoludique. Il s’agit d’un ensemble de notions qui évite à la fois l’écueil de la prolifération exagérée des concepts et celui de la prise en compte d’un nombre trop restreint d’éléments. Divers aspects méthodologiques concernant ce projet sont présentés ici.

8. Damien Hansen. “Morphologie du jeu vidéo : le ludème envisagé comme unité minimale fonctionnelle du jeu”

Présentation : la notion de ludème présentée ici a pour ambition de participer à la mise en place d’une terminologie fixe dans les sciences du jeu vidéo. Si le ludème est un concept qui a déjà été étudié et développé, il s’agit ici de le ramener à une dimension minimale, celui-ci étant alors compris comme renvoyant aux “éléments de jeu”. Il en découle un schéma permettant une analyse structurale des jeux vidéo, selon une perspective sémiotique, qui pourrait aussi être remobilisée dans des analyses socioculturelles.

9. Niels Weber. “De l’importance sociale de s’entretenir de jeux vidéo. Raconte-moi Tintin au Tibet ou Fortnite.”

Présentation : cette communication souligne l’importance que peut revêtir le fait de parler d’un jeu vidéo dans plusieurs situations. Trois exemples sont mobilisés pour mettre ce point en valeur. Avec Tintin au Tibet, N. Weber souligne l’importance du dialogue entre l’enfant et ses parents pour gérer la frustration liée à la difficulté du jeu. Dans le cas de Fortnite, l’accent est mis sur la difficulté de trouver un langage commun entre joueurs et non-joueurs, d’où l’importance d’éléments destinés aux personnes qui ne font que regarder : la narration peut alors offrir un terrain commun. L’importance de raconter le jeu est enfin envisagée dans le cadre de la thérapie narrative.

10. Rémi Cayatte. “L’émotion comme moteur de jeu : mettre des mots sur une expressivité vidéoludique”

Présentation : voir ci-dessus.

11. Maude Bonenfant. “Le langage du jeu vidéo : concevoir les mécaniques de jeu selon leurs modes de production de sens, leurs effets rhétoriques et leurs valeurs éthiques”

Présentation : les jeux vidéo sont constitués d’un ensemble de signes codifiés pour être reconnus. Il existe ainsi des constantes permettant de reconnaître des types de jeu particuliers et des éléments récurrents dans tous les genres. Dans cet ensemble, les mécaniques de jeu sont un élément central de l’interaction avec le joueur car elles “font faire” et “font être” le joueur. M. Bonenfant propose alors une réflexion d’inspiration spinoziste sur la valeur éthique de ces mécanismes.

12. Björn-Olav Dozo et Fanny Barnabé. “Transposer les grammaires vidéoludiques : Une étude rhétorique des tutoriels en réalité virtuelle”

Présentation : les tutoriels occupent une place particulière dans le jeu vidéo, et les formes qu’ils prennent constituent une spécificité de ce média par rapport aux autres. Il s’agit d’un moment important aussi bien pour le joueur, car se noue alors sa première interaction avec le jeu, que pour le chercheur, car de nombreuses problématiques s’y concentrent. F.Barnabé et B.-O. Dozo proposent une analyse d’un corpus de tutoriels de jeux en réalité virtuelle à partir des outils de la rhétorique afin de distinguer les “normes d’interaction” de ces jeux. Ils proposent ensuite une typologie permettant l’étude, entre autre, de la manière dont les jeux en réalité virtuelle remobilisent le langage vidéoludique pré-existant.

13. Guillaume Grandjean. “Le langage du level design : un langage figuratif et figuré. L’exemple de The Legend of Zelda.”

 

Présentation : voir ci-dessus.

14. Liège Game Lab. “Parlez-vous le Super Mario ? La métaphore langagière mise à l’épreuve en recherche-jeu-création”

Présentation : cette communication part du constat que la métaphore langagière est de nos jours chose commune pour désigner le jeu vidéo. C’est une idée que les outils de création tels que Super Mario Maker semble renforcer. À partir de ce jeu, le Liège Game Lab présente des figures de style qu’ils ont pu mettre en avant à l’aide d’un dispositif de recherche-création. Ces figures permettent aussi de mettre en avant la grammaire propre de ce jeu. Finalement, ces travaux sont utilisés pour évaluer la métaphore du jeu vidéo comme langage.

15. Thomas Dedieu. “Indicible, injouable ? La Shoah dans les fictions vidéoludiques”

Présentation : cette communication se place dans le cadre d’une comparaison entre jeu vidéo et littérature. Le cas de la Shoah est particulièrement adéquat pour l’étude de l’indicible et de l’injouable. Mis en rapport avec celle-ci, le jeu apparaît doublement sacrilège car il remet en question à la fois le sujet jouant et le réel. T. Dedieu distingue deux attitudes relativement au lien entre jeu et sacré. La première est la profanation, dont l’objectif principal est de choquer. Il désigne la seconde par le néologisme de subversion “périfane” où il s’agit de “mettre le sacré en jeu pour l’explorer”. Le projet de recherche ici présenté se développe par l’analyse de jeux traitant de la Shoah comparés à des œuvres littéraires et cinématographiques.

16. Boris Krywicki. “Angles journalistiques originaux au sein des tests vidéoludiques : la pluralité discursive comme résistances des journalistes spécialisés”

Présentation : cette communication propose une étude de cas-limites de tests de jeux vidéo que l’on trouve dans la presse dédiée à ce média. Alors que cette dernière est en général vue comme un espace défavorable à l’émergence d’esprit critique, il existe néanmoins certains journalistes qui utilisent des tactiques (au sens de M. de Certeau) pour apporter aux tests de jeux vidéo des dimensions supplémentaires, cette originalité étant précisément ce qui intéresse ici Boris Krywicki.

17. Carl Therrien, Isabelle Lefebvre et Adam Lefloic Lebel. “Le cadre publicitaire au cœur de la culture vidéoludique. Étude comparative des publicités imprimées dans Computer Gaming World et Tilt.”

Présentation : partant de l’idée maintenant largement répandue parmi les chercheurs que l’étude des éléments paratextuels joue un rôle important dans la compréhension de l’évolution de la culture vidéoludique, les trois auteurs de cette communication proposent une analyse comparative d’un large corpus de publicités tirées de deux magazines. Ils présentent pour ce faire l’outil qu’ils ont mis au point pour mener à bien ce travail.

18. Francis Lavigne et Bernard Perron. “Petit métaguide de la critique vidéoludique”

Présentation : la presse spécialisée a été importante pour apprendre à parler du jeu vidéo. Son étude permet de voir comment la critique vidéoludique a évolué. Ce ne sont pas directement les discours critiques portant sur les jeux que l’on trouve entre autres dans des magazines qui sont étudiés ici, mais plutôt les ouvrages qui viennent indiquer comment bien critiquer des jeux. C’est donc un examen de ce type de discours, que l’on trouve par exemple dans des guides de rédaction, qui est ici mené.

19. Michael Perret et Pierre-Yves Moret. “« J’ai trouvé ce passage ‘limite’, mais j’ai bien rigolé ». La couverture de jeux controversés par une émission spécialisée dans le paysage médiatique suisse romand.”

Présentation : cette communication propose une étude de l’émission radiophonique suisse romande Point Barre. Cette dernière est un espace de construction de la culture vidéoludique. Les auteurs s’intéressent particulièrement au traitement qui est fait de jeux controversés dans cette émission, comme Grand Theft Auto V. L’attention est portée aussi bien aux énoncés qu’à l’énonciation, et des comparaisons sont faites avec d’autres énonciateurs journalistiques.

20. Samuel Coavoux et Noémie Roques. “L’authenticité sur parole. Les discours des streamers de jeux vidéo entre réflexivité et présentation de soi”

Présentation : le streaming est aujourd’hui un phénomène d’importance, dans lequel la parole a une place centrale. Ses deux fonctions principales y sont la réflexivité et la présentation de soi. Il existe en effet un ensemble de conventions que le streamer doit respecter pour assurer sa place dans le monde du streaming qui fonctionne comme les mondes de l’art décrit par Becker. S. Coavoux et N. Roques s’interrogent ainsi sur le sens de la parole dans le streaming et sur les attentes des spectateurs vis-à-vis de cette dernière.

21. Vinciane Zabban. “Les langages des indépendances : quels appuis sociaux, techniques et épistémiques pour l’évolution récente des mondes de production du jeu vidéo ?”

Présentation : les mondes de production des jeux vidéo ont connu plusieurs évolutions ces dernières années. L’augmentation du nombre de jeux vidéo indépendants proposés en est un exemple. L’objectif de cette communication est de questionner le rôle des processus d’harmonisation des langages liés à la conception dans ce phénomène. Deux éléments en particulier sont mis en avant. Tout d’abord, la formalisation et démocratisation progressive des savoirs qui y sont liés, et ensuite la diffusion des outils de création. En plus de penser ici ces phénomènes, il s’agit aussi de les mettre en relation avec d’autres travaux menés sur ce sujet.

22. Stéphanie Mader. “Tetris : quelle sera la prochaine pièce, ou comment un espace de conception minimal peut porter de nombreux discours”

Présentation : cette communication propose une étude des contrats tacites entre le joueur et diverses instances ludiques au sujet du hasard qui, dans le jeu vidéo, est toujours “trafiqué”. Ce dernier possède un fort potentiel rhétorique (procédurale et processuelle). S. Mader constitue d’abord une cartographie de ces contrats tacites à partir de l’étude de plusieurs exemples de jeu avant de l’appliquer  au randomizer de Tetris, c’est-à-dire à la fonction qui détermine la prochaine pièce mise en jeu. Ainsi, différentes manières de gérer cet aspect du jeu offrent des discours variés.

23. Marine Wauquier. “Existe-t-il un genre de la quête dans Skyrim ? Essai de caractérisation linguistique du contenu textuel de The Elder Scrolls”

Présentation : il existe un contenu textuel intradiégétique très important dans la série des Elder Scrolls. Par ailleurs, M. Wauquier remarque que ce genre de contenu a été relativement peu étudié, mis de côté comme secondaire. C’est pourquoi elle propose une étude linguistique de celui-ci, à partir d’outils de textométrie, afin de caractériser les genres discursifs présents dans cette série de jeux.

24. Bruno Dupont. “Quand les poètes parlent en jeu vidéo : La Game Poetry comme continuum”

Présentation : B. Dupont propose l’étude d’un corpus de poèmes afin de montrer que le jeu vidéo s’y trouve présent en tant que “structure de pensée et de communication”. Cela est vrai pour le genre de la game poetry, qui porte directement sur l’expérience du jeu, mais aussi dans le cas d’autres poésies contemporaines.

25. Rémy Sohier. “Parcours de recherche-création sur la recherche d’un langage artistique de création vidéoludique : narration, comparaisons et remix de jeux”

Présentation : R. Sohier présente ses recherches-créations en lien avec la mise en perspective des travaux sur le jeu comme rhétorique et des tentatives de production d’un langage de la création artistique. Il met ici en avant le corps agissant dans le cadre de micro-jeux. Pour affiner son approche, il a mis au point la notion de “comparaison interactive” qui permet de relier ces derniers. Enfin, dans le but de pouvoir saisir le moment de création, il a créé un “Arbre de narration” grâce auquel il peut créer rapidement des jeux, ce qui l’amène à proposer la notion de game jockey, en écho à celle de disk jockey.